Better Place

Aujourd’hui, deux problèmes majeurs propres aux voitures électriques freinent encore leur développement : le coût des batteries et l’autonomie des véhicules. Better place, le projet ambitieux (et avorté) de l’entrepreneur Shai Agassi tente de répondre à l’une de ces deux problématiques, à savoir l’autonomie des batteries.

 

 

Imaginez que vous circulez dans votre véhicule électrique spécialement conçu par Renault, que votre batterie est au plus bas, mais que vous ne pouvez pas patienter plusieurs heures en attendant qu’elle se recharge auprès d’une borne (typiquement utilisable la nuit, lorsque le véhicule est inutilisé et peut rester brancher). Le système de navigation GPS dédié vous indique les stations Quick Drop les plus proches afin de pouvoir terminer le trajet en cours avec une nouvelle batterie. Vous vous y rendez et échangez la batterie courante contre une batterie chargée. Vous repartez.



Une genèse centrée utilisateur

 

Le projet de startup est né d’un constat d’échec : Shai Agassi a constaté que si de potentiels clients n’achetaient pas de véhicules électriques c’est parce qu’ils étaient angoissés à l’idée de disposer d’une autonomie restreinte. Les conducteurs de voitures “traditionnelles” restent sceptiques quant à l’idée de posséder un véhicule électrique. Pour eux, il s’agit d’un véhicule encore trop “contraignant”.

 

Dans ce contexte, l’approche “centrée utilisateur” du fondateur l’a conduit à se concentrer sur la diminution de l’anxiété des individus susceptibles de passer le cap de l’achat quant au niveau de charge de leur batterie, et le cas échéant, de leur proposer une solution de recharge la plus pratique et rapide possible. C’est ainsi qu’Agassi a eu l’idée d’élaborer des stations permettant de remplacer purement et simplement une batterie vide par une batterie pleine en moins de cinq minutes. Un pari audacieux, mais payant et riche d’enseignements.

 

En effet, après plusieurs années d’utilisation, certains usagers interrogés affirment qu’ils n’ont que très rarement utilisé ces stations mais considèrent qu’elles sont importantes psychologiquement : elles les rassurent. L’approche “centrée utilisateur”, par l’empathie qu’elle met en œuvre a permis de jouer sur un ressort psychologique essentiel afin de rendre acceptable une nouvelle technologie. À bon entendeur.



Un service visionnaire

 

L’objectif de la démarche design de Better place a été de positionner les voitures électriques comme une sérieuse alternative aux voitures essences.

L’entreprise sait que passer le cap de l’achat d’un véhicule électrique  pour un individu n’est pas chose aisée. Ainsi, l’entreprise a cherché à banaliser cet acte afin que cela devienne quelque chose de “normal”.

 

Plaçons nous dans la situation d’une personne qui a un abonnement Better place et dispose d’un véhicule adapté au réseau. Cette personne s’appelle John et s’apprête à prendre son véhicule pour partir travailler.

John consulte son application mobile Better place avant de partir afin de s’assurer que sa batterie soit totalement rechargée.

L’application étant cross-plateforme, John peut accéder à ses informations depuis son ordinateur et peut même partager des trajets directement sur le système de navigation GPS de son véhicule. L'intérêt de partager des trajets sur son GPS est de calculer l’autonomie de son véhicule et  de définir un trajet à emprunter en fonction de son besoin en énergie.

 

L'application Better place indique entre autres le niveau de batterie

 

Durant toute l’expérience Better place, l’utilisateur a accès à son niveau de  batterie. Quel que soit lieu ou le moment, John a accès à toutes les informations dont il aurait besoin. Encore une fois, cela a été mis en place pour rassurer les utilisateurs.

 

Borne de chargement à domicile

 

L’équipe de Better place a voulu créer son propre langage afin de réduire la peur des utilisateurs. Les bornes de chargement par exemple, sont installées à domicile, sur le lieu de travail ou encore dans les centres commerciaux. L’objectif étant d’insérer ces bornes dans le paysage afin qu’elles fassent parti intégrante de leur quotidien.  

 

Bornes de chargement sur un parking

 

Une fois le niveau de sa batterie vérifié, John débranche sa voiture de sa borne de chargement. 

Il allume le moteur. Le système de navigation GPS intégré va faire des suggestions d’itinéraires : Travail, courses, sports etc… et indiquera son besoin en énergie. Si son trajet est plus long que prévu, l’ordinateur de bord invitera  John à se rendre dans la station de changement de batterie la plus proche.  

 

 

Ordinateur de bord indiquant les différents moyens de recharger sa batterie

 

La station de changement de batteries permet à l’utilisateur d’étendre l’autonomie de son véhicule afin d’effectuer un trajet plus long que prévu. Ces stations étant nouvelles, les utilisateurs n’ont pas été conquis d’office. Afin de rendre l’expérience plus rassurante, Better place a taché de la rendre la plus smooth possible.

 

Ainsi quand John veut switcher de batterie dans une station, il est totalement pris en charge. Il a juste a passer sa carte Better place sur la borne prévue à cet effet à l’entrée et positionner les deux roues avant  de son véhicule sur une plateforme. La station prend ensuite le relais et place sa voiture au bon endroit et change de batterie automatiquement.

 

Une station d’échange de batteries au Japon




Une approche systémique… trop pressée ?

 

La vision du fondateur, perfectionniste et un brin pressé, a conduit à la mise en œuvre d’un superbe projet de service, très complet… mais a également probablement contribué à sa perte. En effet afin d’assouvir sa volonté de parfaire immédiatement l’expérience utilisateur dans toute l’amplitude de ses interactions avec le service, l’entreprise a conçu from scratch un grand nombre de points de contact. Pour ne parler que des interfaces écran, l’exigence était d’informer à tout moment l’utilisateur sur son niveau de batterie et sur ses différentes solutions de chargement. Ainsi, l’entreprise s’est-elle lancée dans l’élaboration de son propre système de navigation GPS indiquant la localisation des bornes de chargement et des stations Quick drop, alors qu’une adaptation du système Tomtom aurait peut-être suffit dans un premier temps.

 

De manière générale, la volonté de réaliser immédiatement, sans véritables mises à l’épreuve ni retours d’expérience, l’ensemble des systèmes imaginés est certainement très risquée, même si elle semble sûrement très séduisante au concepteur inexpérimenté. Une démarche plus agile, qui ne remet pas en cause la vision systémique et les objectifs à moyen terme mais étale les développements, aurait très probablement eu plus de chance d’aboutir.

 

Un employé de Better place en Israël témoigne :

« Nous pensions que nous pouvions tout faire mieux ».