Kickstarter

Les bonnes idées ne voient pas le jour si facilement : Georges Lucas n’a trouvé aucun studio acceptant de financer Star Wars et les Beatles se sont fait refuser l’entrée dans de nombreux studios d’enregistrement avant de signer leur contrat... Oui la persévérance paye mais qu’en est-il des autres idées ? Toutes ces bonnes idées n’ayant pas eu la chance d’être approuvées par un financement ? L’idée du crowdfunding est simple et finalement pas totalement nouvelle, cela consiste à faire financer des projets par un grand nombre de personnes dont l’apport reste très limité au niveau individuel.

Depuis bien longtemps maintenant nous connaissons 3 modèles de financement :

  • - être “banquier” : prêter de l’argent en récupérant des intérêts.
  • - être “actionnaire” : donner de l’argent en échange d’une participation dans l’entreprise
  • - être “mécène” : donner de l’argent gracieusement dans un esprit philanthropique

Les deux premières solutions s’appliquant difficilement aux petites contributions, KickStarter.com mise sur la dernière : le mécénat de masse, participatif, collaboratif... Non ce n’est pas entièrement nouveau mais les possibilités offertes par internet changent grandement la donne. Cette masse ne se limite plus au réseau personnel du créateur, aussi étendu soit-il, et l’enjeu du design devient fondamental. En effet il a fallu créer de toute pièce un outil servant une pratique nouvelle pour l'extrême majorité de ses utilisateurs. Sur ce point, même si tout n'était pas opérationnel dans la première mouture du site, nous pouvons dire que KickStarter.com ne s’en est pas trop mal sorti.

LE CROWFUNDING FAÇON KICKSTARTER

Restons un temps sur la pratique elle-même. Il a d’abord fallu la nommer, la réguler et la doter de son vocabulaire spécifique. Ainsi est né le “crowdfunding” dérivé du “crowdsourcing” de Jeff Howe.Plusieurs sites se sont créés avant Kickstarter.com (Artistshare.com, Pledgie.com, Indiegogo.com...) mais le modèle de Kickstarter.com a certainement rencontré le plus grand succès. Ce sont les seuls à avoir utilisé le terme spécifique de “backers” au lieu d’investors, financiers ou supporters... Et cela participe beaucoup de l’appropriation du service, non seulement par son sens - la communauté est littéralement derrière le projet, le pousse vers un objectif commun - mais aussi car c’est désormais un terme propre à Kickstarter.com, participant de son identité.

Parmi toutes les modalités différentes proposées par les sites de crowdfunding, le choix du système “tout ou rien” est également très important. Si un projet n’atteint pas son objectif de financement dans les délais impartis alors le créateur ne reçoit rien, ne paye rien et tous les “backers” sont remboursés. En cas de succès le créateur reçoit les fonds une fois la commission de KickStarter.com déduite. La soumission d’un projet est gratuite. Rien de plus simple. Enfin le type de projet accepté - les projets “créatifs” - est également assez large pour que chacun y trouve son compte tout en surfant sur des tendances avérées et profondément ancrées au sein du public visé, plutôt sensible aux enjeux de l’économie collaborative et participative.

Toujours sur le service en lui même, il est important de souligner deux éléments : le système de récompense ("rewards") et les règles d'utilisation du service. En effet le système de récompense est à la base du succès du crowdfunding : les gens ne donneront pas leur argent par pure charité pour un projet créatif, il faut avoir quelque chose en retour (même si la possibilité existe sur le site de donner en refusant de recevoir la moindre récompense). Rien de très nouveau évidement, tout mécène a toujours eu l'accès gratuit au vernissage de son poulain par exemple. Mais lorsque vous avez 50 000 personnes qui vous ont aidé... comment faites-vous pour tous les récompenser ? Kickstarter.com a donc obligé les créateurs à proposer des récompenses à leurs "backers", tout en imposant certaines règles : pas d'argent en retour d'argent par exemple. Ils proposent aux créateurs un outil de création de récompenses par pallier : "entre 1 et 10 dollars vous aurez ceci", "entre 10 et 30 dollars vous aurez ceci"... Nous parlions de règles un peu plus haut, et bien là aussi il a fallu tout créer de zéro. En l'absence de cadre législatif bien défini autour du crowdfunding, kickstarter.com a du définir ses propres règles d'utilisation. Sachant que lorsque l'on touche à des transactions financières tout devient vite très compliqué, le si faible nombre de litiges entre utilisateurs ou vis à vis de la plateforme est gage d'un travail plutôt bien réalisé. Ce sera cependant l'un des rares reproches que l'on peut faire au site, les critiques se font en effet assez nombreuses sur la mauvaise utilisation par les créateurs, de l'argent reçu. Pas de quoi inquiéter kickstarter.com cependant, qui ne se déclare plus responsable une fois l'argent transféré.

Enfin le dernier point à aborder semble tout simplement naturel et si intelligent en termes de business. Je veux parler des pages officielles ("curated pages"), ce sont des pages sur lesquels une organisation ("a creative community") peut mettre en avant les projets qu'elles supporte. Qu'elle en soit à l'origine ou non. De la problématique de base du crowdfunding, kickstarter.com a donc réussi à en faire un espace de communication pour les entreprises. Sans doute évident au vu des pages de marques sur facebook ou pinterest, mais cela prouve que l'équipe de kickstarter.com a une vision globale de son service, ou devrait-on dire ici de son business model.

UNE INTERFACE EXEMPLAIRE

En ce qui concerne l'interface, le véritable problème que les designers de Kickstarter.com ont eu à résoudre portait donc sur la virtualisation d'une pratique analogique. En l'absence de référents antérieurs, il fallait donc se demander quels allaient pouvoir être les usages d'une telle plateforme et créer les fonctionnalités associées. Pour cela, les utilisateurs de Kickstarter.com peuvent être classés en 2 catégories : les "backers" et les "creators". Pour les premiers il s'agit avant tout de bien comprendre la nature et l'objectif du projet puis de pouvoir contribuer de la manière la plus simple et sécurisée possible pour enfin s'assurer que l'argent soit bien arrivée à destination et utilisée de manière adéquat. Pour les seconds il faut fournir un espace de présentation du projet simple d'utilisation et garantissant, via les fonctionnalités destinées aux "backers", le meilleur impact possible. Il leur faut pouvoir comprendre l'outil facilement pour valoriser au mieux leur projet.

Du bon sens me direz vous ? Oui certainement, mais toujours plus facile à dire qu'à faire... Ainsi l'équipe de kickstarter.com a fait preuve d'une très grande attention au moindre détail. De la catégorisation des projets au système de news pour les "backers" sur les projets en cours, il a fallu tout imaginer, concevoir et réaliser pour remplir les fonctionnalités mentionnés dans le paragraphe précédent. Concrètement, ils ont réalisé une interface qui fait véritablement sens pour ses utilisateurs, aussi bien visuellement - elle véhicule très bien l'univers et les valeurs de la création - que fonctionnellement - remarquez la place primordiale accordée à la photographie ou à la vidéo. En un coup d'oeil sur la page d'un projet et sans un seul clic supplémentaire, vous aurez compris de quoi il s'agit dans les grandes lignes, combien de temps il reste pour contribuer, quel est l'objectif de financement, etc. Et vous n'aurez plus qu'à cliquer pour donner. Présenter autant de complexité dans un si petit espace ne relève évidement pas seulement du bon sens. Pour les créateurs l'équipe du site a également pensé à tout, l'outil est extrêmement simple d'utilisation évidement mais ils vous proposent également une compilation des best practices sur tous les aspects possibles et imaginables de votre projet : de la vidéo aux récompenses en passant par les moyens de tenir vos “backers” informés de l’avancement du projet.

Enfin après tout ce travail sur le coeur du service et son interface, ils se sont attaqués au ton de leur relation avec l'utilisateur. Notez la légerté du discours et toutes les petites pointes d'humour de l'équipe - nous parlions d'attention au détail précédemment, tentez donc de cliquer sur la paire de ciseaux au niveau du footer - qui reçoivent un écho certain auprès de la communauté de créateurs, comme de contributeurs, du site.

En clonclusion, non content d'être utile et intuitif, le service proposé par kickstarter.com est vraiment désirable pour ses utilisateurs, ce qui en fait un véritable succès. KickStarter en 2012 ce furent plus de 2 millions de personnes qui ont donné près de 320 millions de dollars pour environ 18 000 projets, soit une moyenne de 600 dollars levés par minute. Il ne vous reste plus qu'à les rejoindre...